vendredi 10 juillet 2015

MAURICE GENDRON - LE LIBRE POITOU 2 JUIN 1945

L'ODYSEE D'UN POITEVIN AUX MAINS DES BOCHES

M. Maurice Gendron(t), de Saint Léger la Pallud nous a adressé le récit suivant:

"Ayant été arrêté le 23 février 1944 par la gestapo pour ce dépot d'armes et parachutages, ce jour à 6 heures du matin, je vis arriver 5 allemands, dont 2 en civil. L'un d'eux parlant correctement le français me demanda à brule pourpoint: "où sont les armes?"
Je répondis:"Je n'ai pas d'armes!"
A ce moment, je reçois un magistral coup de poing en pleine figure. 3 fois il répète sa question, 3 coups de poing.
A la suite de cela, on m'emmène le long d'un mur en dehors de la cour de la ferme. Là toujours le même individu me dit:"Vous allez parler ou sinon...". C'est alors que les coups tombèrent, coups de poing et coups de pied. N'obtenant aucun résultat, ils me mirent un révolver à la tempe et une mitraillette à la poitrine en me disant:"si après trois sommations vous n'avez pas répondu, vous pouvez remettre votre âme à Dieu. Toujours rien. Très en colère, ils prennent chacun un bâton et l'in me passe les menottes. Ils m'emmènent avec quelques coups dans un petit bois, tout près de la ferme. A l'aide des menottes(ils) me suspendent à un arbre après m'avoir mis le torse nu. C'est alors qu'à trois, ils se mirent à me frapper, s'arrêtant de temps à autre pour me questionner. N'obtenant jamais ce qu'ils voulaient, ils s'acharnèrent. Combien de temps dura ce supplice? Je ne sais pas exactement, peut-être une demi-heure.
Ils me détachent et me mettent sous les yeux un plan réduit de la ferme, en me demandant:"connaissez vous cela?"
Je répond: "c'est peut-être un plan?".
On me répond:"regardez bien, vous ne connaissez pas ce plan?" 
"Cela ressemble à la ferme".
"Et bien, ici sont les armes. Pourquoi aggraver votre cas en vous obstinant au silence? Voyez, nous savons tout!!"
"Messieurs, je suis Français", trois coup de bâton m'envoient au sol. 

Relevé avec quelques coup de pieds dans les côtes, on m'emmène au dépôt d'armes.
Lorsqu'ils apperçuent quelques cylindres... Transfert à la "Pierre levée".

Interrogatoire de 5 minutes sans brutalité. Quarante et un jours à la Pierre levée.

Ensuite Compiègne.
Compiègne 21 jours

Le 27 avril, départ pour Auschwitz en Pologne. Nous étions de 100 à 120 par wagons fermés, sans air, sans eau. Au bout de 24 heures, un mort et plusieurs fous. Ce mort fut enlevé seulement deux jours après. Une odeur nauséabonde régnait et avec une chaleur intolérable si bien que bientôt 90% étaient fous. Voyage hallucinant. Voyage terrible. Arrivée à ce camp le 1er mai au soir.

Descendre de Wagons avec tous ces fous avec un SS de chaque coté de la porte armé d'un bâton et répètant sans cesse: "Losse, losse" [los, los] et frappant. Ceux qui s'écartaient de la colonne étaient abattus à coups de fusil.

Arrivée au camp de Birqueneau [Birkenau] qui est le camp d'extermination d'Auschwitz.
Pour l'immatriculation, tatoués sur l'avant bras gauche et l'inscription et la douche 36 heures environ. 36 heures nus. J'oublie de dire que l'on nous rasait partout sauf la barbe à l'arrivée. Neuf jours dans ce camp, nous couchions sur la terre dans des barraques sans couvertures et dans l'eau une semaine ici. Ensuite nous passons dans un autre camp à coté. Là nous avions des lits et des couvertures. On nous fit nettoyer 3 jours de ce camp et direction Buchenwald. Même réception qu'à Auschwitz mais en plus les chiens.

Ici, j'ai seulement fait la quarantaine 21 jours. Pendant cette quarantaine, on nous emmenait à une carrière où l'on nous faisait apporter une pierre à chacun. Si par malheur l'un de nous en prenait une trop petite, il était sur le champ rappelé et en lui en mettant une bien trop grosse si bien qu'il était exténué à l'arrivée, à moins que s'il ne pouvait suivre, il soit assomé à coups de bâtons, 5 juin, 21 jours en ce camp, ensuite je suis dirigé avec le commando VIIIé à Zeitz avec un commando et 4000 juifs. Là, ce fut terrible, le commando allait à la "Brabag", usine qui était tous les 3 mois bombardée. Pour aller à cette usine, il y avait 3 kilomètres qu'il fallait faire à pieds nus. Alors commencèrent les gangrènes et oedèmes.
Les mortalités, au bout de 2 mois devinrent très nombreuses avec les coups et les mauvais traitements. Moi même ait travaillé comme maçon pour eviter le camp. Après un mois de ce travail, ce qui porte au début juillet, je pesais 44 kg 500.

Heureusement, j'avais très bon moral et je me cramponnais à la vie. Quelques jours après, on me fait éplucher des pommes de terre.

Ici commence à s'effacer le spectre de la faim. Jusqu'en decembre, je travaille ici et à la cuisine, ensuite au ravitaillement presque toujours en dehors du camp. Puis, cette ambiance de douleurs et de souffrances, partant le matin, rentrant le soir, nous n'avions plus ce spectacle navrant de ces cadavres, ces squelettes vivants.

Dès ce moment, je prépare mon évasion pour ne réussir que le 16 avril. A l'approche des Américains, l'on nous évacue en direction de la Tchéquie par chemin de fer dans les wagons à charbon. Les malades qui étaient à l'hopital furent embarqués sans vêtements, si bien qu'après 5 jours, nous avions un nombre considérable de morts par le froid et par la faim. Etant au ravitaillement, je constatais que nous n'avions presque plus de vivres, il ne nous restait pas de pain pour un jour.
A la station après Marienberg, à environ 10 kilomètres de la Tchéquie, les locomotives furent bombardées. Je saute du trainet pars dans les bois ou je reste une semaine en attendant les Américains qui étaient à Chemnitz. 30 kilomètres sans manger et coucher sur la dure. Les bois sans cesse surveillés par les gendarmes et le Wolksturm m'ont bien préservé contre leurs méchancetés.

Ensuite pendant que l'on m'avait oublié un peu, car il y avait eu plusieurs évasions, je décidais de sortir pour chercher du travail. Ici, je fut à peu près heureux. Sciant du bois seulement pour ma nourriture. 3 semaines de ce travail et les Russes arrivent. Nous demandant si nous voulions partir car j'était ici avec 4 prisonniers de guerre.

Rapatriement par Chemnitz, Gera, Erfut et de là par avion, Paris, La FRANCE.
Quelle émotion fut la mienne en mettant le pied sur le sol natal. Notre belle France enfin libre.

Maurice GENDRON(T), St Léger La Pallud, commune de Marigny-Brizay.

Je remercie les habitants de ma petite commune pour le chaleureux accueil que j'ai reçu à mon arrivée.



Source: journal "le libre poitou" 2 juin 1945

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